08-09-10 / 1914 – Le replis de CHARLEROI et l’offensive de la MARNE

Tout commence au départ de Fontainebleau

René VINCENT, était né à Fontainebleau, ses parents habitaient le Palais, puisque son père Arthur VINCENT y était Brigadier Chef, et donc résidaient dans les petits appartements à gauche dans la cour d’Honneur.

Il était ingénieur de l’Ecole Centrale de Paris, (Promo 1911), et était ingénieur à la Compagnie de chemin de fer Paris-Orléans, chargé des travaux de construction des barrages hydroélectriques dans les Pyrénées pour l’électrification des lignes. Il habitait alors à Bayonne.

Tous les jeunes ingénieurs depuis quelques années, faisaient pendant les 3 ans d’études l’Ecole d’Application de l’Artillerie et étaient donc Sous-Lieutenant d’office.

Il y avait à Fontainebleau depuis longtemps une des Ecoles d’Application de l’Artillerie, et le siège du 32ème Régiment d’Artillerie de Campagne (RAC) où a été affecté le Sous-Lieutenant VINCENT René, comme chef adjoint de la 2ème Section de Munitions et d’Armement.

Samedi 1er Août 1914

Fin de la semaine pendant laquelle la menace de guerre s’accentue. Manifestation au concert militaire du soir . Les manifestants réclament la Marseillaise que joue la musique au milieu des ovations, puis le Chant du Départ et la Marche des Zouaves .

A la Compagnie [de chemin de fer PO, où René VINCENT était jeune ingénieur) on donne l’ordre de suspendre les travaux de la gare de Bayonne qui venaient de commencer. On convoque les territoriaux pour un exercice de garde des voies de communication.

Je distribue les cartes d’identité pour circuler sur les voies : surveiller les ouvrages d’art, enlever les matériaux pouvant servir à saboter les voies, préparer la rampe d’embarquement, l’éclairage des quais, le chargement des trains.

A 17h environ, l’ordre de mobilisation est affiché dans la gare, pas de changement subi dans la ville. J’emporte mes affaires du bureau. Ma cantine était déjà préparée depuis plusieurs jours. Je mets mon uniforme et je vais faire quelques courses en ville. Beaucoup de choses sont déjà épuisées en ville : les révolvers par exemple.

Je fais porter mes affaires à la gare et fais mes adieux à Monsieur FARTHONARTMr DELORSne croit pas à la guerre – et je dîne au buffet [restaurant de la gare !]. Ebahissement du garçon pas habitué à me voir dans cette tenue [ d’officier ]. Je commande un dîner ! Après le dîner la gare est envahie par les voyageurs et les colis. J’essaye de prendre le Sud-Express – Impossible – Complet. Beaucoup de gens restent sur le Quai. Un député proteste d’une façon idiote  » On laisse rentrer les allemands chez nous et on empêche un citoyen Français d’aller faire son devoir !!! Stupide il n’est pas plus que les autres.

Les bagages continuent de s’aligner sur le quai, le quart à peine partira. Je recherche ma cantine et la confie à Mr DESBATS qui me la passera dans la train. Je dis au revoir aux employés de la voie. Le train de 22 H arrive. Je traverse devant la machine et saute sur le marche pied et Mr DESBATS me passe ma cantine juste au moment où passe une locomotive. La porte qui résistait s’entrouvre enfin. Je m’installe sur le sac d’un jeune homme très aimable. Ma cantine sert de siège à deux personnes On est serré comme des harengs devant la porte des wc. C’est encore là dedans qu’on voyagerait le plus à son aise. Nombre de personnes ne peuvent prendre le train. J’ai eu une bonne idée de monter à contre voie et de prendre ma cantine avec moi. Les voyageurs sont très gais. Le train a du retard mais tant pis. En route ça va se décongestionner un peu. Avant Orléans je trouve enfin une place assise.

Dimanche 2 Août 1914

Arrivée à Paris à la gare d’Austerlitz. Pas de porteur à l’horizon, tous les taxis embarrassés je suis très embarrassé. Un jeune sous-Lieutenant avec une tenue d’officier d’Etat Major déjà portée est dans la même situation que moi. Nous nous parlons. Ils sort de l’Ecole Centrale de Paris (« piston ») [c’était le nom des étudiants ingénieurs de l’école Centrale que René VINCENT avait faite sortie promotion 1911] cette année et a pris à la hâte la tunique et le harnachement de son père. Nous prenons chacun un diable et commençons à véhiculer nos bagages jusqu’à la rencontre d’un porteur qui nous les sort de la gare. Recherche d’une voiture. Ce n’est pas le plus commode. Toutes celles qui passent sont pleines ou retenues. Je trouve enfin un fiacre avec un cochet complaisant pour moi et le camarade. Un lieutenant allant à la gare de l’Est me demande une place. Je lui offre la voiture mais en trouve une autre et emmène le camarade (« piston »).

Départ pour la gare de Lyon. Débarque devant le bistrot « A la consigne » où je dépose ma cantine. Un garçon de café me la porte jusqu’au quai. Foule énorme devant la gare. A l’intérieur trains bondés de soldats. Je me case tout ­de même dans le dernier wagon d’un train pour Fontainebleau où il restait une place.

Arrivée à Fontainebleau. Je déjeune. Peu de monde à la gare. Les officiers élèves partent. Je croyais trouver Marguerite (DERAMOND) à la maison. Personne !

Marguerite DERAMOND était la fiancée de René et habitait chez sa mère à VIROFLAY prés de Versailles. Pierre DERAMOND, qui était ingénieur des mines, était Lieutenant de réserve comme René affecté à la même unité que René qui était basée à Fontainebleau

L’après midi je vais au quartier et trouve Pierre (DERAMOND). Je suis affecté à la 5ème SM. (Section de Munitions)

Période du 2 au 15 Août 1914

Pierre va à Viroflay en auto et ramène Marguerite (DERAMOND), qui repart le lendemain et revient avec sa mère non sans difficulté. Je fais connaissance du Capitaine MARCHANDISE et du Lieutenant RESCH. Constitution de la 5ème SM – Bureau Barrage de Melun – cantine des hommes dans l’école des filles rue grande – J’essaye plusieurs chevaux. Un cheval immense me plait. Je l’emmène dans l’écurie au Palais. Pas dressé mais grande allure. Il a failli s’emballé dans le polygone.

Le dentiste de Melun m’offre un cheval à BOIS-le-ROI. Je vais le chercher à cheval avec mon ordonnance. Mais il faut qu’il soit présenté à une commission de réquisition. MARTEAU (L’ordonnance de VINCENT René : jusqu’à la fin de la guerre) le ramène à son propriétaire et retourne le chercher deux jours après. Le Commandant Major et la commission a renoncé à l’examiner et l’achète 11 francs. II n’est pas vilain, très doux, et fera je crois une bonne monture.

Je suis employé à la commission de répartition des chevaux. Pas grand chose à faire mais il faut attendre. Marguerite vient me voir de temps en temps… Jours heureux. Promenade après dîner… Il pleut averse…tant pis ..

Difficulté d’avoir une selle. J’en achète une au Régiment puis la refuse. Je demande celle de Mr BOURGES et finalement en achète une à l’Ecole d’Application. THOMAS fait des tas de difficultés pour me l’arranger. Je trouve enfin des gants puis une pèlerine à manches.

Entraînement de section attelée en forêt. Ca ne marche pas si mal. Le parc est installé dans un terrain vague où l’on reste toute la journée.

Maman tient à me faire voir Mme BARBIER . En quoi ce peut-il l’intéresser.

Manoeuvre au polygone devant le Commandant COLLARD. Maman et Marguerite sont là. Mon cheval s’obstine à ne pas sauter. Il attrape chaud et moi aussi. Maman jubile « tu en as trouvé un plus têtu que toi … »

Les promenades du soir sont de plus en plus délicieuses : le parc, le Boulevard Circulaire et surtout la Bonne Dame….

La section offre le thé ; remarqué à l’assistance M. BOURGES, Mme et Mlles, Mme et Mlle , femme et fille du Capitaine X…..

Samedi 15 Août 1914

JOUR DE DEPART ! …Il tombe des averses de temps en temps. Les demoiselles de l’école des filles offrent au Capitaine et à moi chacun un superbe bouquet : il doit y avoir erreur, je ne leur ai jamais parlé…. le bouquet devait être pour RESCH . La section se forme, fait le tour par la forêt, débouche sur le Boulevard de Melun à coté de la Bonne Dame et s’arrête en colonne sur le boulevard. Beaucoup de monde, pas tant pour nous que pour le pèlerinage à la chapelle. M. MARCHAND fils offre des petits drapeaux que nous mettons à nos chevaux, déjà couverts de fleurs. Ma famille est là avec Marguerite D. Sa mère est partie la veille. On se dit adieu et en avant …. Boulevard Circulaire, Obélisque, Carrousel : Maman et Marguerite sont revenus pour me voir passer une dernière fois. Tout le monde est courageux. D’ailleurs ce départ parmi les fleurs n’a rien de triste.

­Arrivée au quai d’embarquement de THOMERY vers 17h. Il fait presque nuit. Embarquement 19h30 à 22h30. Peu ou pas de lanterne dans les wagons. Boue, obscurité … c’est charmant. Je m’occupe des chevaux. Tout va à peu prés bien. BUCOURT est très en retard. Un cheval tombe dans le wagon au dernier moment. Pas le temps de le dégager, on coupe son collier.

Départ 22h45. Pas de garde d’écurie dans les wagons non éclairés.

Nous sommes 4 dans un compartiment de l’ancien système mal éclairé par une lampe à huile qui s’éteint d’ailleurs au milieu de la nuit. Nous mangeons, ce qui sera d’ailleurs notre plus grande préoccupation durant tout le trajet. Les repas froids suivent aux repas froids.

Dimanche 16 Août 1914

A 1h, arrêt à VILLENEUVE-TRIAGE. Jusqu’ 6h. Toutes les voies sont encombrées. Il parait qu’un train vide nous précédant a déraillé ce qui obstrue notre voie. C’est un tringlot du train voisin qui nous a prévenu. Le wagon n’ayant pas de GE. On repart. Arrêt à LA VARENNE. Les civils sont épatants : on nous offre petit déjeuner, café, chocolat, drapeaux, journaux, … A CHAMPIGNY même réception. Les arrêts sont trop courts. LE BOURGET, nous débarquons deux chevaux morts, déjà ! Abreuvoir : je puise l’eau moi-même dans le bac d’une grue hydraulique. Un mécanicien me jette de l’eau chaude et du savon, je me lave les mains. J’en avais besoin. Nous repartons et nous remangeons…. Nous ne comptons plus les repas. Le Capitaine reçoit la marche du train par petites fractions.

Carte envoyée de Soissons en rou0t0000e000

HIRSON 18h. Débarquement à quai. Terminé à la nuit. Baquets le long de la rue, je fais boire les chevaux. Le parc est formé le long de la route par l’adjudant. Nous gagnons nos logements. On prend l’apéritif, c’est plutôt un digestif. Champagne CRICO, totalement inconnu. Je couche dans la même chambre que RESCH au bout de la ville au bord de l’eau – petit jardin devant. ­Il ne reste qu’un brave homme dans la maison qui a l’air d’être le gérant. ­Grande chambre à deux lits à coté d’une salle de bain avec WC communiquant à une autre chambre dans laquelle logent deux médecins militaires. RESCH ferme la porte et veille à la rouvrir pour que ces officiers puissent venir dans le cabinet de toilette. Histoire du fourrier couché dans le lit du docteur.

Le déplacement de l’unité de HIRSON à FISMES soit prés de 860 km

Lundi 17 Août 1914 (28 km)

Départ 7h30. On fait charger les armes. 2 coups de révolver partent : pas d’accident de personne – c’est VINCENT qui a voulu montrer comment on chargeait un révolver ! défilé en ville. On nous offre encore des fleurs. Les servants à pied en avant, on traverse la forêt de SAINT-MICHEL. Poste de La Masure, Halte. Les paysans nous apportent des paniers d’oeufs frais, du pain, du beurre, – Le Capitaine D. R. s’offre une tartine de pain sans beurre.

Traversons la frontière à l’entrée de MACQUENOISE – SELOIGNES. On continue de nous offrir des fruits, de la bière… Arrivée aux HAIESST-REMY, on forme le parc. Cantine des hommes dans deux fermes, la pagaille commence. L’Officier d’approvisionnement en a assez du Commandant COLLARD. Installons notre cuisine dans une ferme assez malpropre, salle à manger donnant sur le jardin – Le Capitaine a une petite chambre, nous trois une autre, RESCH dans le lit, LAVOISIER et moi sur des paillasses très dures. On couche tout habillé. Il y a des rideaux à la fenêtre mais le reste !!!

Mardi 18 Août 1914

A 1h on reçoit l’ordre de départ pour 5 h. A 5h tout le monde est prêt. Brouillard – temps froid – Le Commandant COLLARD que nous rencontrons en route, nous donne le contre-ordre. On attend, le Capitaine et moi nous chauffons au feu dans la cuisine – les hommes plaisantent en battant la semelle. Diverses façons de raccommoder un gant – RESCH et compagnie rentrent faire un bridge. L’attente dure toute la journée – chevaux attelés et à la corde – malgré ça nous déjeunons et dînons bien – couché à 20h. Un Cheval meurt au retour de l’abreuvoir, première impression désagréable… Le paysage est très joli, – Défense de faire du feu la nuit, consigne sévère pour le poste de Police

Mercredi 19 Août 1914 (15 km)

Réveil 6h. On nous apporte le chocolat au lit (c’est une façon de parler) car par terre – grande bataille de polochon – ordre de départ pour midi. La fermière est avare. Notre cuisinier se dispute avec elle pour un lapin qu’elle veut vendre trop cher. Il en achète un autre 2 F – « vous m’enterrez » dit la femme, dispute….

Départ midi. Traversons CHIMAY sans nous arrêter. Arrivons à FROID­CHAPELLE à 18h. Parc à droite avant d’entrer au village. Abreuvoir : on puise l’eau d’un trou infecte situé au milieu du parc. Chambre à deux lits (fort durs) que le fourrier a mis au 1er étage. Au rez-de-chaussée est la cuisine de l’Etat Major – L’eau est rare…

Nous prenons l’apéritif, il n’y a plus grand-chose. Cuisine dégueulasse. Tir à l’arc —– ­Boite à musique, nous voulons faire jouer un air, c’est défendu parait-il, pourtant les canonniers ne s’en privent pas dans un autre bistro.

Nous mangeons en face la brasserie chez le propriétaire. Grande et belle salle à manger, beau poêle.

Jeudi 20 Août 1914

Petit déjeuner chocolat – Dîner somptueux : anniversaire de la naissance RESCH. Le cuisinier est rendu responsable de la disparition d’un cigare.

Vendredi 21 Août 1914

Je visite l’église avec le Capitaine, rien de remarquable, située sur une petite place surélevée. Nous voyons les autobus de Paris utilisés pour le ravitaillement en viande. Le Capitaine se fait couper les cheveux pour 3 sous. Les estaminets sont nombreux, Tous les commerçants en tiennent un. Nous achetons des confitures, du chocolat, des lacets…

Le Capitaine WAGNER (l’ami de REVE)rouspète parce que notre SM est dans son cantonnement. Il se fait céder une chambre à la brasserie – Ca jette un froid – le 22 arrive.

Samedi 22 Août 1914 (19 km)

Départ 5h – FOURBECHIES – FOUR-A-VERRE – ERPION – BOUSSU-LES-WALCOURT. Il y a des côtes …SILENRIEUX à 9h30 – Parc formé à gauche avant le village à hauteur d’une petite chapelle. Terrain en pente. On ne dételle pas. Nous voyons Zouaves, Tirailleurs….. On commence à entendre le canon – Aéroplanes – On tire dessus – Un clairon nègre est enragé – Défense de tirer sur les aéros.

Les coliques commencent à nous atteindre. Je suis de planton à l’église où je remplace BAILLET  qui déjeunais au bistro. Je m’y installe devant un café et fais ma correspondance. Le cycliste ne trouve pas à faire cuire son beefsteak. Jelui trouve une âme charitable qui veut bien lui servir de cuisinier.Je me promène jusqu’à la gare. Nous déjeunons en plein air derrière notre fourgon, loin du Commandant … Nous dînons malheureusement prés de lui parce qu’il l’exige… Il s’offre un verre de kirsch. Tout le monde…… Nous filons à l’Anglaise et trouvons nos chambres. Je m’installe par terre sur un matelas, LAVOISIER sur le sommier.

Arrivée du 74ème décimé au CHATELET (Prés de CHARLEROI, 25 km de là, ndr). Les rangsdes rescapés sont effrayants – Leur aspect fait réellement de la peine. Ils sont harassés. Beaucoup ont leurs vêtements traversés par les balles.

Dimanche 23 Août 1914 (7 km)

Les fugitifs commencent à passer. D’autres nous demandent s’il faut rester – Oui, répondons nous.

Nous partons à midi par WALCOURT, FRAIRE – A WALCOURT descente rapide – passage sous une porte – Nous croisons les premiers blessés – très triste – Montée rapide. Heureusement qu’on jette du sable sous les pieds des chevaux – Après WALCOURT, nous apercevons les premiers éclatements et les premiers incendies – Arrêt à FRAIRE à 500 m derrière les Batteries de 120 court – Un paysan se plaint qu’on lui a pris ses poules et sa marmite après avoir pillé sa maison – C’est une section voisine – RESCH récupère la marmite mais pas la poule.

A 18h30 un obus allemand éclate derrière la batterie et à quelques mètres devant nous. On s’aperçoit qu’on est trop près – Nous partons avec les ambulances qui étaient là aussi –

On arrête derrière le village dans un champ où on forme le parc. PROUSON, JERMU, MARTEAU traient une vache. Le lait est un peu sale mais tant pis.

A la nuit nous partons – Première marche de nuit – Ca n’est pas drôle – Les à-coups succèdent aux à-coups – Encombrement fantastique – Au loin lueur des incendies – C’est lugubre – Traversée de village – Les paysans sortent des lampes qui nous gênent plus qu’elles nous servent – Descentes pressées – tous les sabots qui la …? Le chemin est de plus en plus étroit – Traversons YVES-­GOMEZEE. Il fait de plus en plus noir – Passage à niveau – Forêt – On tourne à gauche et on se trouve dans un terrain en pente pour le parc – A gauche un chemin encaissé très dangereux – Depuis FROIDCHAPELLE les zouaves nous escortent – Nous déclinons la politesse à COLLARD pour le dîner – manger dans une petite maison à 23h avec des fantassins – Viande délicieuse et patate fournie par la maison – nous nous couchons dans une grange à minuit – Le Capitaine couche à coté du Commandant au dessus de l’Etat Major…

Lundi 24 Août 1914 (26 km)

A 1h du matin nous entendons taper dans la porte en face – Commandant LEJEART qui nous cherche pour partir – Je n’étais pas encore endormi – On démarre – Un caisson  appuie à droite et tombe dans le chemin. Je crois les servants morts : ils n’ont rien. On vide le caisson et on le sort. La route est encombrée par les piècesd’artillerie lourde. Les zouaves sont remplacés par des fantassins. On attend jusqu’à 4h. Enfin on part, passons à VOGENEE. Les ambulances ont déjà commencé à manger poules et lapins. A WALCOURT tout est désert – Nous descendons la fameuse descente pressée. En tournant un conducteur tombe avec son cheval – Meules enflammées – maisons pillées par les français – Repassons par le même chemin à VOGENEE – Le chariot de batterie n’en peut plus – Ravitaillons le 32ème prés du Passage à niveau après une descente rapide – Un cheval tombe, le timon se casse, cheval blessé, – 1/2 tour et nous remontons la côte ! –

Passons DAUSSOIS, Batteries Françaises de tous cotés, puis SILENRIEUX – Nous voyons le français. Je me fais engueuler par un commandant parce que les voitures sont trop distantes et par le Colonel pour la tenue des hommes. Les habitants sont partis en masse.

BOUSSU-LEZ-WALCOURT – L’encombrement augmente encore – Nous allons pour ravitailler à CLERMONT. Passons devant les batteries, chaleur étouffante – Arrêt dans un petit creux à 11 h – Ruisseau : l’eau est sale mais on s’y lave quand même et on y fait boire les chevaux. Je déjeune d’une boite de pâté de foie. Le Capitaine rapporte de la confiture et du pain et du vin qu’un ministre. On trinque à tout le monde. Je avantl’arrivée des allemands.

Le Capitaine part pour aller trouver le Colonel à BEAUMONT.

Je dresse mon……… Je m’abritedu soleil et essaie de dormir – Impossible il fait trop chaud – Je vois Pierre (DERAMOND) à pied avec son cheval et son cycliste  » Nous reculons  » me dit-il. Nous nous embrassons – Sur un cheval en…….. l’autre ne vaut guère mieux.

­A 16h un officier nous dit de partir au trot – Nous sommes entre les deux artilleries. La forge et le chariot  de la batterie reçoivent des projectiles. C’est un sauve qui peut.                                                             Je n’en sais rien d’ailleurs – CASTILLON – Passage du bois – Hussards, zouaves, SM Tirailleurs. tous veulent passer en même temps dans un petit chemin. Les zouaves sont furieux – On les fait marcher et leur demander un coup de  pouce – L’un tombe au bord du chemin, ses camarades le ramassent. Je lui trouve un peu d’alcool de menthe – Traversée de la grande route – L’artillerie la tient tout entièreDes batteries de ……. protège la retraite – Nous partons au grand trot, cherchant à rejoindre les autres sections –

 ERPION – Les Chasseurs coupent les fils de fer des clôtures pour laisser passer les cavaliers – Infanterie partons –

FROID-CHAPELLE à la nuit. Le Capitaine n’est toujours pas retrouvé, nous sommes seuls. Bifurcation

21h RESCH fait  former le bivouac dans terrain assez mauvais. Nous cherchons à dîner dans une ferme pleine de gens en train de partir. Nous trouvons un peu de lait écrémé. Nous partageons une petite boite de pâté de foie et un vieux bout de pain avec le lieutenant d’infanterie – Toutes les granges sont pleines de fugitifs. Je cherche de la paille. Il n’y en a pas. Nous nous installons par terre derrière un mur. Une petite roulotte fermée qui se trouve là ferait pourtant bien notre affaire.

Mardi 25 Août 1914 (28 km)

A 5h30, nous apprenons que l’infanterie s’en va. Nous partons aussi. Par RANCE – MONTBLIART. Arrêt devant un bistro nous prenons une tasse de café brûlant – On crève de froid – Nous traversons la frontière en forêt –

Arrivée à EPPE-SAUVAGE. La section du Capitaine de MESTIF est installée sur la route avec un caisson en travers et les servants derrière. Nous en faisons autant.

Le village est plein de     cavaliers. Nous retrouvons le Capitaine ! On va pouvoir se reposer ..! erreur il faut repartir.

Nous retraversons la forêt de TRELON, très jolie – Nos canonniers courent après les poules à coup de sabre. Poste de douanier. On a malheureusement rien à déclarer. – TRELON : Grand arrêt dans le village pendant que le Commandant COLLARD fait le logement. Passage des blessés qu’on évacue sur FOURMIES, surtout des troupes d’Afrique – On continue jusqu’à GLAGEON, on forme le parc dans une propriété privée – entrée par une grande porte cochère – J’envoie chercher une ambulance : J’ai un chasseur à cheval qui a la jambe cassée – Le curé nous invite à prendre l’apéritif, très aimable. Nous l’invitons à dîner le soir – Nous déjeunons dans l’arrière boutique d’un bistro – Je trouve encore une boite de thon chez un épicier – Je me couche tout habillé après déjeuner.

16h ordre de départ. A ce moment croise PIERRE (DERAMOND) il me croyait prisonnier à BEAUMONT.

Départ à 17h. Traversons la forêt à le PONT DE SAINS prés de FERON. Le chemin de fer est encore gardé. RESCH fait la police de la route entre les autobus – De braves gens nous apportent des jattes pleines de lait. On puise dedans avec tout ce que l’on trouve. J’en rempli les bidons de mes hommes. Avons pris        Petit chemin fossé de chaque coté – nuit noire – Autobus devant nous – Nous avançons d’un mètre à la minute. Devant nous un chariot de pièce est embourbé dans le fossé, un autre en est sorti difficilement. Arrivée au carrefour. Le Capitaine réclame des lanternes – Personne ne bouge – Ca peut durer longtemps – Enfin on s’éclaire.

Le parc est à coté d’une ferme. Grande ……… mais noire

22h dînons à la ferme. Les 2 dames finissent par accepter de partager notre soupe. Bien manger pourtant, on se couche 2 matelas par terre. 1 lit pour le Capitaine. Je suis endormi depuis 5 mn, le Capitaine s’allonge sur son lit « Qu’on est bien » dit-il et panpan : le planton du Colonel s’amène. A cheval ­au trot car nous apprenons qu’un caisson plein est rentré dans un fossé. Trop tard pour le moment.

Mercredi 26 Août 1914 (22 km)

Départ 0h30, nous laissons un cheval fatigué. A l’entrée du village arrêt, pour laisser passer d’autres sections. Restons là environ 1h. C’est guai. Enfin nous partons Petits chemins noirs, noirs ! Enfin la route. Nous dormons sur nos chevaux. On ne peut plus suivre. Je pars en tête pour demander de ralentir au Capitaine NEBOUT. Impossible – J’ai trotté au moins 20 mn et je m’arrête. Des gens m’offrent une chaise et une tasse de lait chaud avec du rhum – Ca fait du bien – Je repars avec la 5ème SM.

5h LE NOUVION EN THIERACHE arrêt, je m’assois sur une marche et m’endort – Quel supplice – Repartons tout de suite. Le Capitaine s’arrête chez des amis. Réapparaît avec une charmante amazone qui le quitte et …….

8h LE GRAND WEZ – petit parc – Cantonnement des hommes à coté. Maison en face – Les sous officiers mangent dans ma maison – Je fais un peu de toilette et me couche de 9h à 11h –

13h Départ , j’ai le temps de déjeuner très rapidement après les autres. Laissons des chevaux….. LESCHELLES, MARLY etc.. Nous tirons sur un aéroplane. Un Capitaine aviateur arrive et réclame les noms des fautifs. I1 parait que beaucoup d’appareils Français ont été abattus par des balles Françaises.

18h arrivée à LAIGNY (ouest Vervins ndlr), difficulté de trouver des lits. J’en trouve un chez l’instituteur – Je change avec RESCH – Nos chevaux sont très bien dans une petite écurie – Nous dînons dans une chambre où je couche avec le fourrier (!) – Le Capitaine est un peu plus loin de l’autre coté.

Jeudi 27 Août 1914 (19 km)

7h Départ. II pleut – RESCH est désespéré, il n’a pu trouver les hommes – Le ler lourd (probablement Régiment d’Infanterie Lourde ndlr) a voulu les faire déloger – Ca n’a pas pris – Nous laissons un tas de ferrures et 2 caissons vides et plusieurs chevaux – VOULPAIX – ST GOBERT – BERLANCOURT – Ferme de HAUDREVILLE prés de MARLE, abreuvoir, prés du moulin dans la ville – Parc dans un champ – Déjeunons dehors dans la cour de la ferme – Bourré d’émigrés – Je me procure 2 rognons en échange d’un litre de cidre – dîner – nous devons coucher dans une porcherie – C’est plein ….. Les premiers arrivés se sont servis largement. Nous couchons dans une écurie derrière les chevaux de la ferme – lumière électrique – il y a plein d’émigrés partout.

Vendredi 28 Août 1914 (14 km)

5h lever –

10h30 départ – MARCY sous MARLE – ERLON – DERCY –

CRECY-SUR-SERRE – Toujours beaucoup d’émigrés – Parc à la sortie du village à droite, abreuvoir sur la Serre. Très vaseux – Plusieurs chevaux ont faillis y rester. Nos chevaux, les hommes et le bureau dans la même maison. J’ai une chambre magnifique un peu plus loin. Electricité – 2 fenêtres sur rue…. Le soir je la trouve prise par un hussardMédecin. On m’en donne une petite moins confortable, tant pis. I1 y a un grand cabinet de toilette, mais je ne peux en profiter. Les dames qui sont entrés à la maison du Capitaine nous offrent du vin (le lendemain le propriétaire qui semble être un vieux toqué viendra faire du scandale en se plaignant qu’on ait exigé du vin – Nous l’envoyons promener ) – J’ai perdu mon bonnet de nuit – Je veux en acheter un autre, la marchande me donne celui de son mari et ne veut pas accepter d’argent. Je trouve une blanchisseuse. Je suis obligé d’aller chercher mon linge au milieu de la nuit.

Samedi 29 Août 1914 (12 km)

5h30 départ. Arrêt à MONCEAU-LE-NEUF (Nord), on s’installe dans un champ, on donne parait-il du cidre… je crois plutôt qu’on le prend. Nous en trouvons quand même dans un seau.

 Première distribution de lettres …….. Arrivée d’un fantassin blessé à l’omoplate par un éclat d’obus. Il nous raconte la bataille en déclarant  » qu’il y avait de quoi rigoler ? » – On fait boire comme on peut dans la ferme – Tout a été pillée par les Zouaves – Ils sont partis précipitamment en laissant des tas de choses. Jeune veau oublié.

Nous déjeunons derrière notre fourgon. Bataille rangée entre RESCH et LAVOISIER charge finale et déroute de l’ennemi….. Départ. PARPEVILLE,  PLEINE-SELVE, VILLERS-LE- SEC, attente dans un petit bois – Départ au grand trot passons derrière les batteries et au milieu des tranchées des fantassins. Ca tape dur.  RIBEMONT – Colonne de prisonniers – descente rapide – Arrivée au pont barricadé. I1 faut faire 1/2 tour et remonter. Nous prenons quand même l’apéritif. Toutes les troupes se replient, on se dépêche – Rentrée dans CRECY-SUR-SERRE par MONTIGNY-SUR-CRECY – Nous avons recueilli deux Anglais qui couchent et mangent avec nos hommes.

Dimanche 30 Août 1914 (42 km)

9h lever. Je fais un petit somme après déjeuner sur le foin à coté des ordonnances

15h30 Départ – MONTIGNY-SUR-CRECY, LA-FERTE-CHEVRESY – Attente dans un champs de betterave derrière le village. Au loin un village flambe, il parait que c’est une ferme occupée par les Allemands à laquelle les Zouaves ont mis le feu. A la nuit nous partons. Il y a parait-il un mauvais chemin de terre dans lequel le Capitaine NETRUNTs’embarque. Nous suivons la route. Encombrement fantastique – A la hauteur de la gare on évacue les blessés – On repart. Au premier carrefour, je suis coupé par un groupe d’artillerie qui nous comblede malheur, se trompe de route et doit faire demi-tour. Enfin je pars – nuit noire – Je rencontre le Capitaine et le reste de la section campé à gauche de la route – Nous repartons NOUVION, CATILLON, RENANSART; Ravitaillons le 32ème – obscurité complète . 1/2 Tour – Repassons à NOUVION,­ CATILLON, PONT A BUCY, REMIES, et

Lundi 31 Août 1914 (26 km)

à 9h30 , arrivée à AULNOIS-SOUS-LAON – Notre TR est déjà arrivé, nous installons en plein champs et déjeunons par terre.

Départ Midi, et arrivée à MOLINCHART, Parc à coté d’une ferme sous les pommiers – Nous installons la cuisine dans la ferme – Le Capitaine GODACH nous déloge sous le prétexte que c’est son cantonnement. Nous trouvons une petite cour à coté d’un petit jardin dans lequel nous dînons – Haricots épatants ! – Lit chez Mme HERON très aimable    – Elle me trouve moins exigeant que les sous-officiers. J’entre et je sors de chez moi par la fenêtre, c’est plus commode.

( Info : 305 km effectués par la Section pendant ce mois d’Août 1914)

Mardi 1er Septembre 1914 (47 km)

0h : Réveil à minuit et Départ. Nombreux arrêts. Nous avons fait 3 Km à 8h. Le Capitaine s’est endormi sur un tas de cailloux. J’arrache quelques brins de paille à une pile pour nous coucher au bord de la route. Le Capitaine NETOUT ne veut pas qu’on dorme : BAILLET a 4 jours d’arrêts –

 MONS EN LAONNOIS à 8h – CHAILLEVOIS – URCEL à 9h – Nous prenons la grande route sur un plateau. Ca ne va plus. Nous craignons de perdre la colonne . Je trotte 25 mn . Je rattrape la tête et demande au Capitaine WERBUNd’arrêter – Les ordres sont de marcher…. Je m’arrête à une grande ferme que les habitants quittent. Je fais boire mon cheval et récolte quatre douzaines d’oeufs, on en donne 3 à tous les ­soldats –

 Descente dans la vallée de l’Aisne à CHAVONNE. Descente dangereuse ! … Un caisson d’infanterie est resté en panne, une roue cassée – On le décharge – La moitié de la section fait le tour par SOUPIR – En bas de la cote nous trouvons quelques oeufs et de l’eau fraîche, et nous prenons l’autobus jusqu’en bas – Arrêt, j’attends le reste, nous nous couchons sur les pavés – Trouve un marchand de vin : une bouteille et quelques biscuits les remettent d’aplomb – Continuons jusqu’à DHUIZEL – Parc dans une vallée encaissée. Un aéroplane allemand passe et se fait mitraillé – On bivouaque – l’eau est rare – I1 faut presque un quart d’heure pour un seau – Nous dînons sous un arbre et préparons une litière pour dormir.

A 21h départ, arrivé à BAZOCHE-SUR-VESLE à 24h. Lieu plein de troupe.

Mercredi 2 Septembre 1914 (31 km)

Nous nous couchons dans un champ d’oignons. Nous trouvons 3 paillasses abandonnées, c’est un peu dur. Humidité . Le brouillard et le froid aux pieds me réveillent de bonne heure. Je cherche à m’installer dans une grange que les fantassins évacuent  » On ferme  » me dit la patronne du café, quelle garce ! J’espère que les Allemands vont tout cassé dans la boutique.

7h Départ – Descente rapide à VINCELLES au milieu des vignes Parc au bord de la Marne

18h couché sur la paille prés du fourgon. Le Capitaine s’est installé sur un brancard.

Jeudi 3 Septembre 1914 (10 km)

00h Départ Minuit, passage de la Marne sur un pont suspendu. Obus de 75 abandonnés à DORMANS. LA CHAPELLE MONTHODON –

9h, BAULNE EN BRIE, on nous dit que les Allemands approchent de REIMS et sont à CHATEAU-THIERRY( 18 km env. ndlr). Je trouve du chocolat et quelques boissons dans une épicerie. Nous nous installons après le village dans un champ au bord d’un petit ruisseau. Déjeuner. On fait un peu de toilette. Sieste au bord de la rivière – beau temps.

17 H diner

19 H départ. A LA CHAPELLE DE MOTHODON,Rencontrons le 32ème à Minuit. On bivouaque, très mal, endormi sur des chardons.

Vendredi 4 Septembre 1914 (46 km)

3 H Départ, lère et 5ème section pour ravitailler. Passage par BAULNE EN BRIE, LE BREUIL. Prenons là route de MONTMIRAIL. Arrêt derrière un bois – Cote à cote avec un convoi de ravitaillement de zouaves. – Les chevaux sont en sueur – On repart – Au sortir du bois les shrapnels commencent à nous tomber dessus – Nous tournons à gauche en plein champs et départ au galop – Je ne quitte pas le fourgon . Un conducteur est descendu et commence à grimper sur le caisson. Je la fais descendre et remonter à cheval. Je suis coincé entre un caisson et une voiture de civils et manque de me faire casser la jambe- Bissac arraché. Indécision sur la route à prendre. Arrêt dans une ferme pour déjeuner – Cidre et bon fromage – Nous repartons vivement – II parait que les Allemands sont à MONTMIRAIL ( 8 km env ndlr). Passons à JANVILLIERS, BOISSY LE REPOS, CHARLEVILLE? on dételle et fait ….. Je fais traire du lait et le boit. Trouvé une douzaine d’oeufs – Un brave homme me demande s’il faut s’en aller,          je       le       rassure         ! ! ! ! !

19 H Arrivée à SEZANNE – Epiceries bien montées – Parc dans le quartier de cavalerie – Dîner et coucher à l’Hôtel de la Boule d’Or.

Samedi 5 Septembre 1914 (26 km)

A minuit, quelqu’un nous fait réveiller, il parait que des troupes continuent de défiler. Nous partons – Attente au passage à niveau – Clair de lune – Arrivée à 9H à ROMILLY SUR SEINE. RESCH et LAVOISIER dorment toujours sur les caissons. La section attend à l’entrée du village. Défilé d’autres convois. Je fais une reconnaissance dans le village. Au Quartier Général, on me donne la marche du corps d’armée.Nous ne sommes plus dans le notre – On traverse la ville et s’installe dans un terrain vague en face les écoles – Cuisine dans la propriété de Mr CLAVERRE – Abreuvoir pour les chevaux dans la cour. Cantine pour les hommes – Je me fais couper les cheveux – Dîner – RESCH et LAVOISIER jouent du piano – Le Capitaine les fait faire heureux. Je couche sur un matelas à coté du Capitaine.

Dimanche 6 Septembre 1914 (44 km)

 00 H Départ

5H30 NOGENT SUR SEINE (19 km). Nous traversons la Seine et allons jusqu’au passage à niveau, faisons 1/2 Tour et formons le parc au bord de la Seine. Passage d’autobus transportant des troupes. Nous entrons dans la ville à la recherche de pain. Trouvons du Jambon. Visitons l’église, et déjeunons dans une grande propriété, Salle à manger épatante. On nous offre du vin et quel vin !!… Je trouve un peu d’avoine pour les chevaux. Nous apprenons que l’ordre de marche en avant à été donné pour 6 H.

14 H Départ – SOURDUN – PROVINS – Château de LE HOUSSAY- (25 km) Nous avons ordre de trouver le 32ème, pour le ravitailler – Nous le cherchons vainement dans la nuit jusqu’à VILLIERS ST GEORGES – Nous trouvons les premières traces de la bataille : Bivouacs partout. Nous ravitaillons sur la route le 11ème Régiment.

Demi-tour pour aller au bivouac indiqué – …… – Nous ne retrouvons plus notre fourgon resté en arrière. Je vais au château. Je retrouve les autres sections, elles sont un peu plus loin,  je recherche. Les deux fourgons de la section se retournent dans un champs. RESCH se met en colère. Dîner avec deux sardines et un morceau de viande de la 1ère

Lundi 7 Septembre 1914 (22 km)

Bivouac derrière une meule de paille.

10 H Départ pour retourner à PROVINS – Nous retrouvons les autres sections et formons le parc – Le Capitaine part à l’avance et mange à l’hôtel. – Nous déjeunons tous les 3 chez un marchand de vin. Je fais la sieste dans une petite chambre à coté de la salle où la chaleur torride m’empêche de dormir –

18 H Depart VILLERS ST GEORGES . On bivouaque – Nous mettons les chevaux dans un petit hangar, et couchons dans une maison abandonnée, entrée par le jardin. Tout a été détruit par mes prédécesseurs. Je préfère coucher avec mon caleçon.

Mardi 8 Septembre 1914 (30 km)

9H30 Réveil

I0H 30 Départ. pour SANCY LES PROVINS. Etant souffrant, je voyage dans le fourgon- Première vision de guerre – Clochers mitraillés, fermes brûlées – Chevaux et hommes morts – une roulotte – Déjeuner en plein champs derrière un petit bois – Pluie – Continuation du voyage – Le fourgon retourne en arrière chercher la lanterne à VILLIERS.

­16 H Bivouac en plein virage à ST MARTIN DU BOSCHET – Le fourgon n’est pas revenu. Je dîne avec une assiette de soupe à l’oignon empruntée à mes hommes. Nous couchons à 3 dans le fourgon. LAVOISIER ET MOI en long, RESCH en travers. On dort très ma1.Le Capitaine est installé sous un tombereau, il est très bien installé.

Mercredi 9 Septembre 1914 (23 km)

4H30 Départ pour MOUTHILS, je reste couché dans le fourgon. Premier parc formé dans un champ en face d’une ferme où il y a déjà des troupes et une meule à repasser.

2ème parc dans une grange prés d’un ruisseau bourbier

10 H je fais un peu de toilette dans le ruisseau et on part à 12H, après avoir déjeuner. Départ. II parait qu’on va former un 3ème parc ??? Eglise de VENDIERES ancienne pillée . Arrivée à L’EPINE AU BOIS ( ouest Montmirail) à 19 H, Diner – Couché avec le Capitaine dans le fourgon

Jeudi 10 Septembre 1914

Pluie – Fantassins morts dans les champs, l’un d’eux est unlieutenant. Un autre dans une maison. Un blessé râle depuis deux jours sous un hangar. Je le fais transporter sur une échelle à l’ambulance. Nous engueulons les infirmières – Quantité de vaches tuées, nous tirons du lait, mais quel lait !… Le 58 ème a pris un canon Allemand!… Le bivouac devient boueux. Nous réquisitionnons une bâche – Toutes les maisons sont pillées et bouleversées – Déjeunons et dînons sous notre bâche.

Départ 21H à la lueur des feux de paille. Arrivée à la ferme de la TRINITE. Couchons sous un Hangar , une partie sur le tas de foin, les autres en bas . Il y a des courants d’air terribles; Les hommes couchent dans la ferme

Vendredi 11 Septembre 1914

Nous sommes réveillés par une bande de porcs qui errent dans la grange. Nous en mangerons d’ailleurs au déjeuner. Nous déjeunons sous un hangar couvert en zinc très commode. Nous trouvons une table, des chaises,un tapis en paille… Journée de repos – Je dors avec la Capitaine pendant que les autres ………… -II pleut toujours, et il vente ! Nous couchons sous notre Hangar.

Samedi 12 Septembre 1914 (39 km)

Départ 7H45, passons prés de CHATEAU THIERRY, traversons la Marne à JAULGONNE – LE CHARMEL -COURMONT – Je rencontre x? en artilleur – La nuit vient. II pleut et vente toujours. Les chevaux ne se manoeuvrent plus. RESCH rouspète Je pars en avant rejoindre la tête de la colonne et arrêter parce qu’une moitié de tringlots et conducteurs était endormi – « Triple cochon » lui dit le Capitaine LOTYSTE

A 23H nous passons DRAVEGNY – trempés – On nous donne comme cantonnement un champs à la sortie du village. Beaucoup d’homme ne se sont pas mouillés, d’autres vont se sécher dans le village. Il y en a beaucoup des autres régiments qui y traînePourtant c’est défendu d’aller dans la village Nous réveillons un brave homme pour aller allumer un grand feu de cheminée dans deux pièces. Nous nous séchons enfin. Le Capitaine en chemin fait sécher son caleçon devant la cheminée, les chaussettes, manteau, culottes sèchent un peu partout Nous dînons à minuit!!… Ca sent bon – Je mets un matelas par terre à coté du Capitaine. Personne ne sait où nous sommes ­Pendant la nuit, nos caissons partent pour ravitailler sans que nous le sachions.

Dimanche 13 Septembre 1914 (30 km)

Le vent et la pluie ont cessé. Le paysage est charmant. Mes souliers ont séché. tellement vite qu’ils ont claqué – Je fais laver mon linge !

10 H Départ, 500 m puis arrêt de 2H devant la ferme de LONGEVILLE, Je voulais faire sécher mon linge et on repart aussitôt. Le parc quitté est lamentable, chevaux morts, déchets divers. Je mouille une colonne de tringlots avec mon fourgon et me fait engueuler. Traversons FISMES . réapprovisionnement du foyer en fourrage et coureur. J’achète une paire de chaussures. Je perds la colonne et pars avec le fourgon en suivant le 24ème. Traversons un champ de bataille. Allemands morts. Retranchement d’artillerie et d’infanterie. Je rencontre CROIZARD. Arrivée à GLENNES, je retrouve une partie de la section installée depuis la veille. Je trouve un cantonnement pour les hommes dans une grande ferme. La section arrive 2H après moi. Dîner chez M RAMEL qui nous offre sa salle à manger très bien et une chambre pour le Capitaine. Les 3 autres couchent dans la maison à coté. Mr RAMEL nous offre du champagne qui a échappé aux Allemands.

Lundi 14 Septembre 1914

A peine réveillé, j’entends le Capitaine DUBUISSON qui déjeune à coté de ma chambre. On entend la canonnade qui semble tout prés. Nous achetons une oie. Chambre comme la veille.

Mardi 15 Septembre 1914 (7 km)

Nous partons à 10 H pour FISMES afin de nous ravitailler. Nous nous arrêtons sur les promenades en face de l’école transformée en hôpital – Nombreux blessés Français et Allemands – Nous allons nous ravitailler sur la route à une section du parc. Nous installons le fourgon derrière un bois et nous déjeunons assis sur nos cantines, ce qui nous semble bien incommode. Nous nous achetons des gants au bazar et nous nous réapprovisionnons en comestibles. Les artilleurs d’une section de parc ont fait des prisonniers dans une ferme, ils les ont trouvés tous morts. Rentrons à GLENNES à 19 H. Il pleut. Quelqu’un est installé chez Mr RAMEL. Nous dînons tous les officiers ensembles dans la maison où je couchais la veille. Chacun mange sa cuisine, le Capitaine de RESTYS a oublié d’apporter la sienne!… Au moment où nous nous posions la question des chambres pour passer la nuit, l’ordre de départ arrive …22   H Départ

Mercredi 16 Septembre 1914 (27 km)

Descente de MAIZY… on y voit rien – la section est coupée et je reste avec la fin de la colonne – Nous abandonnons un cheval – Route au bord du canal – CONCEVREUX – Je retrouve la section – Le Capitaine NEBOUT rouspète à cause des voitures disséminées – BORNIOT et LOISEAU n’ont rien compris, nous traversons le canal de l’Aisne. Nous ravitaillons le 24ème au petit jour sur le champ de bataille à PONTAVERT. Les batteries commencent à tirer et à recevoir… Je vois CASTAGNé – On nous fait ramener les caissons abandonnés que nous accrochons derrière les nôtres – Nous repartons toujours sous la pluie – Passons à ROUCY où nous rencontrons le Colonel du 32ème. Je part en avant avec le trompette. Je trouve un abri pour le déjeuner des hommes – Nous rencontrons les batteries à cheval avec leur nouveau canon. Les hommes sont répartis dans 2 fermes. Le parc est formé en plein champs. Les fermes sont trop salles pour que nous puissions nous y installer. J’arrive à grand peine à obtenir deux litres de lait. Nous trouvons une ferme à VENTELAY dans ­laquelle nous nous installons. La chambre sert de cuisine et nous mangeons dans une autre pièce. Un bon feu de cheminée nous sèche et nous buvons un bol de chocolat tout d’abord. Nous déjeunons de bonne heure car les hussards doivent venir prendre possession du cantonnement à midi. Avant déjeuner, nous faisons une petite sieste sur la paille installée dans la salle à manger.

Départ à midi pour FISMES. Nous formons le parc à l’extérieur est de FISMES et nous allons nous laver à la gare à 17 H30 – Dîner dans une maison sur la place de la Fontaine Belle salle à manger : les propriétaires sont partis, il reste la vieille cuisinière, deux vieilles demoiselles et un parent quelconque. Pot au feu épatant. Les hommes cantinent dans le théâtre – Nous couchons deux maisons plus loin. J’ai une grande chambre à coté de celle de RESCH – Le bonhomme n’est qu’à 1/2 complaisant.

Jeudi 17 Septembre 1914 (24 km)

11H 30 Départ après déjeuner. Il pleut toujours. Arrivée à GLENNES à 14H. Nous nous réinstallons chez Mr RAMEL. Nous essayons de loger comme précédemment. On nous dit que nos chambres sont occupées. C’était faux. La salle de billard au fond de la cour est remplie par les chasseurs. La petite écurie pour nos chevaux est prise aussi. Nous les installons dans la grande ferme où sont nos hommes. On nous prépare pour le soir un ragoût de mouton qui dut être fameux …Comble de malchance, Départ à 17 H pour PAISSY. A la sortie de BEAURIEUX nous rencontrons le 14ème que nous ravitaillons. Un Sous-officier envoyé en avant à PAISSY ne trouve rien – La route est embouteillée – Un officier d’Etat Major nous conseille de créer un passage à coup de révolver ! Nous pensons toujours au ragoût de mouton. Nous faisons 1/2 tour et rentrons à GLENNES à 22 H et nous dînons. Je couche avec RESCH sur son matelas dans la salle à manger, le Capitaine sur le sommier du lit et LAVOISIER sur le sofa.

Vendredi 18 Septembre 1914 (13 km)

Départ 11H. Arrêt à MAISY prés du hangar où nous formons un parc provisoire. Je pars en avant pour chercher le contact avec les unités à ravitailler. Je rencontre le 24ème à CHAUDARDES. CASTAGNé m’appelleLes officiers sont installés dans une grande ferme – Algériens pleins le village – Fantassins bléssés par un obus pendant qu’ils étaient en remise – Nous ravitaillons et rentrons à GLENNES à midi . Déjeuner. Après midi tranquille. Dîner. Couchons dans le grenier de Mr RAMEL. Il y a une bonne litière mais il y fait très froid.

Samedi 19 Septembre 1914

Départ 4 H pour FISMES. Le Capitaine part ravitailler avec RESCH. Je me recouche jusqu’ à 9H. Journée tranquille. Après dîner le Capitaine fait une cigarette : il obtient un joli succès, mais une vilaine cigarette.

Dimanche 20 Septembre 1914 (34 km)

Nous sommes réveillés vers 4 H30 par le bruit du canon et de la fusillade. Il semble que ce soit tout prés. Il passe de nombreuses troupes. RESCH et LAVOISiER vont à FISMES dans l’auto de Mr RAMEL. Ce dernier a été pris pour un espion – démêlé avec la gendarmerie. Nous invitons Mr et Mme RAMEL à déjeuner. Les gens ne peuvent plus avoir de viande, et sont très heureux qu’on leur en donne un peu – II y a une dispute avec notre cuisinier. C’est lui qui a raconté qu’on prenait Mr RAMEL pour un espion. Mme RAMEL veut lui faire nettoyer le fourneau de la cuisine, ça ne lui convient guère. LEJAI nous crée une histoire avec le terne. Nous le fichons à la porte. HENRIETTE se fait engueuler pour être restée trop longtemps à REVILLON à acheter du pain. Elle s’en fout, il parait qu’il y a la queue à la boulangerie.

­Départ 17H, le Capitaine et Moi, pour MAISY. Nous ravitaillons le 24ème à CUIRY les CHAUDARDES. Rentrons à FISMES à 22H. Dînons tous les deux avec du lapin.

Lundi 21 Septembre 1914

RESCH part à 7H30 pour se ravitailler à FISMES. RAS

Mardi 22 Septembre 1914 (10 km)

Nous donnons deux attelages au 24ème. Le parc a été changé de place et mis à l’ouest de village. Les soldats  commencent à se construire des cahutes. Nous recevons 13 chevaux de selle, nous pouvons remonter nos gradés.

Départ 13H pour MAIZY . Attente à MAIZY – Le parc est formé prés du hangar. On dormirait bien sur la paille, si ce n’était plein de mouches. Un gendarme fait une enquête pour savoir qui a pris la paille du hangar. Les fantassins ont commencé par se rouler dessus et les chevaux l’ont mangé. Les abords du pont de MAIZY et du village sont fortement défendus. L’infanterie et le génie ont construit de nombreuses tranchées. Nous envoyons 4 caissons à BEAURIEUX et rentrons à GLENNES à 20H

Mercredi 23 Septembre 1914

­RESCH part à 4 H avec 5 caissons. Rentre à 18 H 30. Nous marchons alternativement RESCH et moi. Je vais faire une promenade à cheval le matin. Très agréable – Beau point de vue.

Jeudi 24 Septembre 1914

A 9 H du matin, nous sommes délogés par le Colonel du 10ème Hussard, un fourrier étant venu, s’était fait engueulé. Mais le Colonel DUPUY vient lui-même nous prier de déguerpir. C’est dégeulasse. Le déjeuner continue à cuire pendant que nous partons. Il est difficile de trouver à se loger. Le Lieutenant du 24ème chargé du cantonnement est monté sous les ordres dans une autre unité. RESCH l’engueule et l’autre proteste. Enfin nous trouvons une espèce de hangar sous lequel étaient abrités les chevaux des chasseurs que nous envoyons autre part. On installe le fourgon dans la cour et nous déjeunons sous le hangar. Le Capitaine trouve un lit en face chez les grands parents. Tous ces gens pauvre sont extrêmement complaisants.

Nous trouvons une chambre avec un lit et de la paille par terre pour deux. C’est chacun notre tour à coucher dans le lit. La paille aussi avait été installée par des officiers du génie qui s’amènent le soir pour coucher. Nous ne bougeons pas. Les autres n’insistent pas. La jeune fille de la maison couche avec la grand-mère à coté de notre chambre. C’est assez gênant… pour elle.

 Dans la journée je fais sauter mon cheval dans le parc.

Vendredi 25 Septembre 1914

Promenade à FISMES l’après midi.

Samedi 26 Septembre 1914

RAS

Dimanche 27 Septembre 1914

Je pars à 5 H à MAIZY pour ravitailler. Journée passée sous le hangar aux mouches – Défilé des Zouaves, musique en tète revenant des tranchées. Accoutrement bizarre .

 A 17 H seulement, je ravitaille la 6ème Batterie prés de la ferme de CUSSY. Nous passons devant une batterie de 75, tirant sur des aéroplanes et bien dissimulée. La région est pleine (26) de trou et de tranchées soigneusement cachées. Les échelons sont abritées sous les arbres, les cuisines installées au milieu des bois. En revenant je passe le pont militaire construit sur l’Aisne. C’est très bien fait, balustrade, allées sablées…

Je rentre à GLENNES à 19 H.

Lundi 28 Septembre 1914

La section part se ravitailler à FISMES avec le Capitaine et RESCH . Les caissons remplis reviennent à GLENNES, et repartent sur un ordre du Capitaine parait-il, mais personne ne nous en avertit.

15 H départ de tout le monde pour ST GILLES (sud Fismes ndlr). Le Capitaine GOTSCH est peu content d’apprendre que la 5ème SM est déjà partie.

19 H arrivée à SAINT-GILLES. Je rencontre le reste de la section, pas de Lieutenant, ni de Capitaine. Je forme le parc au Sud Est du village dans un terrain très en pente prés d’un ruisseau. il fait beaucoup de vent. Les hommes sont logés dans deux fermes. Il y a des lits pour tous les officiers . J’ai une toute petite chambre – Nous dînons chez M BACART où la salle à manger sert à tout le monde et en même temps de bureau. Le Capitaine y couche. RESCH et LAVOISIER couchent dans la ferme. Nous faisons connaissance de Mlle MARGUERITE et Mlle HENRIETTE.

Mardi 29 Septembre 1914

­Les oeufs sont toujours aussi rares, j’en découvre 2 chez une vieille femme. Le père BACART envoie sa fille dans la vigne pour faire la chasse aux maraudeurs qui mangent son raisin. Je l’accompagne. Personne dans les vignes mais en revanche je trouve deux sous-officiers du 32ème en train d’abattre des pommiers, et leur passe un fameux savon. « Personne ne nous a vu  » me dit l’un d’entre eux pour sa défense. Jolie morale!…

Mercredi 30 septembre 1914

Le Colonel DUPUY fait nettoyer le village. Les tringlots qui l’occupaient avant nous, l’ont beaucoup sali mais ont déclaré  » ne pas être assez bête pour le nettoyer !… » Nous disons tout haut ce que nous pensons de la façon de faire, ce qui n’a pas l’air de plaire aux Demoiselles. Les tringlots ont logés pendant trois semaines où nous sommes actuellement et ont laisses de bons souvenirs. Tous les matins ils fournissaient le repas à Mlle MARGUERITE. Le Capitaine du train à fait cadeau d’une robe à Mlle HENRIETTE. En échange, MARGUERITE fait des blagues à tout le monde. Belle occasion pour la chimère. Nous n’y manquons pas. Le Lieutenant ARMAND vient à peu prés tous les jours ainsi que son brigadier d’ordonnance rendre visite à ces dames. Un après midi notre cuisinier l’invite à prendre le thé avec nous. Il a l’air plutôt surpris.

Jeudi ler Octobre 1914

Je vais à FISMES reporter les clefs à Mr MAGEY, patron de Mlle MARGUERITE. Je ne trouve que Mme MAGEY ; Elle m’offre un verre de bon vin. J’essaye de trouver à acheter du champagne mais il parait que le sien est enterré. Il parait qu’un aéroplane a lâché sur la gare deux bombes qui sont tombées tout prés de là dans un champs.

Vendredi 2 Octobre 1914

Le nettoyage du village continue. Raclage des rues, relève des sentinelles… Le Colonel DUPUY y tient tout particulièrement. Il ne cherche que ça dans ses unités de cantonnement et les trouve infailliblement. La grande rue balayée par une …    est tellement glissante que les chevaux n’y tiennent plus. Les gens sont réquisitionnés par le génie pour nettoyer les routes de la commune; corvée grotesque. On y entretient l’herbe, taille les talus… Les gens sont furieux. En revanche nos hommes n’ont rien à faire, nous les envoyons aider les cultivateurs à labourer, arracher les pommes de terre, couper du bois…

Samedi 3 Octobre 1914

Travaux de couture par les officiers, ce qui ébahie M. BACART. Repassage de la chemise du fourrier, opération délicate, nous nous mettons à deux pour ça. C’est un succès.

Dimanche 4 Octobre 1914

Messe militaire chantée par les infirmières. Eglise pleine de soldats. Nous invitons toute la famille BACART à déjeuner avec nous.  » Où on déjeune, on dîne … » dit le Capitaine. Ainsi fut fait. Après midi promenade au MONT NOTRE DAME avec le Capitaine. Nous causons avec le Curé qui nous offre un verre de vin et des cartes postales. Pays plein d’Anglais. Le Capitaine échange un couteau contre un paquet de tabac. Nous achetons des chaussures épatantes.

Lundi 5 Octobre 1914

Je vais jusqu’à MAIZY avec MARTEAU (Ordonnance ndlr) à la poste pour envoyer une lettre recommandée. Nous voyons passer les zouaves musique en tête qui vont se reposer. Accoutrement assez pittoresque qui n’ont plus rien ­de réglementaire ; le grand pantalon rayé semble avoir vécu, la veste décolletée aussi.

Mardi 6 Octobre 1914

RAS

Mercredi 7 Octobre 1914

Après midi, promenade à FISMES et MERVAL avec MARTEAU. Batterie contre aéroplane à MERVAL. Vu le Sous-Lieutenant LEROUX et CROIZARD.  Une batterie allemande tire en plein dans la direction du parc de la 32ème. La dernière salve arrive à 100 m du parc . Ce devait être la plus longue – Obus de 75 explosif probablement. Très curieux.  Très forte détonation. Au loin un ballon captif allemand qui sert à régler le tir

Jeudi 8 Octobre 1914

Promenade à l’Abbaye de IGNY avec le Capitaine – très agréable – Galop en plein champs – nous nous perdons d’ailleurs – Fabrique de chocolat. Il reste quelques moines qui nous font visiter l’Abbaye et la fabrique. Il a du cacao en grains et du sucre mais pas une miette de chocolat.

Nous rencontrons une  bande de sous-lieutenants qui rentrent avec nous. Nous avons comme unités le Capitaine DETUM, les Lieutenants LACOMBE et MORE. Nous touchons un nouveau Commandant de PAU: c’est le Capitaine ROULAND du 58ème,  qui arrive de Bordeaux et s’imagine que les Sections de Munitions fonctionnent comme le règlement l’indique, ce qui nous fait tordre. Il a de belles cigarettes, on voit qu’il arrive du dépôt.

Vendredi 9 Octobre 1914

Départ du Capitaine MOTICHJe l’accompagne avec ses Lieutenants – Réception au cantonnement du regroupementdu 32ème à MERVAL. Belle habitation : ferme château. Salon avec piano, jeux…. Malheureusement une bombe tombée dans le jardin a cassé tous les carreaux – Nous prenons le thé dans une immense grotte très pittoresque – Le camarade BORNER fait les honneurs. Il consent à me céder une petite part de fromage. Il y a bien longtemps que nous n’en avons pas eu.

Samedi 10 Octobre 1914

Nous déplaçons le parc pour lui faire faire 1/2 tour. Je fais quelques sauts d’obstacles avec BOULOT (cheval du Lt VINCENT ndlr) dans une petite prairie aménagée avec haies et barrières…

Dimanche 11 Octobre 1914

Messe militaire à 9 H

Promenade des chevaux à BAZOCHES sur VESLE.

Lundi 12 Octobre 1914

Réorganisation des SM . Les 5 sections du 32ème sont fondues en 3. Nous devenons 2ème SMA.

Renvoi de notre cuisinier qui était ivre hier soir et qui s’est montré extrêmement grossier envers tout le monde et surtout Mlle MARGUERITE. Ce matin à une nouvelle observation du Capitaine, il a rompu . Le Capitaine l’a flanqué immédiatement à la porte et c’est très bien. Il y a longtemps qu’on aurait du le faire.

Mardi 13 Octobre 1914

On achève la réorganisation des sections. Revue. Défilé devant le Capitaine ROULAND.

Mercredi 14 Octobre 1914

Je vais à CRUGNY avec la Capitaine. Nous trouvons pas mal de choses dans ce patelin ; lanternes, produits alimentaires,…. Nous rapportons pour MARGUERITE un superbe porte monnaie à 10 centimes. Elle a l’air vexée. Heureusement que le Capitaine lui offre un flacon d’odeur.

A 22 H  nous faisons une ronde avec ces demoiselles. On va voir les ordonnances.

Jeudi 15 Octobre 1914

Le Capitaine et RESCH sont allés à BRAINE, il parait qu’il y est tombé aussi des obus.

Je continue à faire sauter POULOT.

Vendredi 16 Octobre 1914

Le matin à FISMES – Je trouve des objets de la guerre, du papier à lettre, des allumettes. C’est le 1er    ?     de Paris qui arrive. Après midi on prend le thé avec le Capitaine GOLRICH qui est venu nous voir. Tout le monde est là…. Le Capitaine ROULAND envoie chercher une bouteille que nous n’avons jamais vue !!

Après dîner, cérémonie d’adieu aux Lieutenant CRAMPION, BAILLET, PICHELLY, LHOLTOT, qui partent aux batteries. …. ?.. nous chante tout son répertoire. Mlle HENRIETTE s’exécute ainsi que sa cousine.

Samedi 17 Octobre 1914

Le matin, je conduis à FISMES notre sous-chef RAMBAUD qui entre à l’Hôpital avec l’appendicite

En rentrant j’apprends notre départ. Sensationnel.

12 h départ pour PERLES arrivée à 15 H, patelin de 83 ou 84 habitants. Le parc est formé avec les chevaux à la corde le long d’un bois. Nous logeons chez le Maire en face l’abreuvoir. Il y aurait 2500 hommes ici. Le Capitaine a un lit. Les 3 autres chacun un matelas. Il fait très froid.

Dimanche 18 Octobre 1914

L’après midi nous faisons une petite visite à ST GILLES avec le Capitaine.

Lundi 19 Octobre 1914

Matin à FISMES. Je revois MARGUERITE et sa soeur PAULINE. Nous visitons les maisons du patelin :  je récolte un affûte couteau, un livre de cuisine , et … du papier hygiénique pour le Capitaine et moi.

Nous visitons une usine qui est fort endommagée, les allemands y avaient installé des mitrailleuses qui commandaient le passage du pont. Je fais connaissance de M. MAGEY.

Rentré à PERLES, j’apprends que nous déménageons. Un commandant du ler lourd prend notre place. Notre bureau est installée chez l’instituteur dans une toute petite cuisine. Nous réussissons quand même à dîner dans la salle à manger réservé à l’Etat Major – Nous couchons dans le grenier de la première pièce. Nous y avons fait installé tant bien que mal des lits avec des draps et de la paille.

Mardi 20 Octobre 1914

Un nouveau déménagement. Les ambulances s’en vont. Nous nous installons dans une maison abandonnée où ils étaient 27 officiers. La maison est dégueulasse et ces ambulanciers sont des cochons. Vaisselle sale partout – Grand nettoyage Une équipe de 12 Hommes y travaille – 3 Chambres dont une à 2 lits, Salle à manger, cuisine,…. Grenier où couchent Cuisiniers et ordonnances. Installation de WC dans le Jardin – Chaises jeunes – Confort moderne.

Mercredi 21 Octobre 1914

 Continuation du nettoyage.

Après-midi à FISMES

Visite de l’Instituteur et de sa femme : Le Capitaine ROULAND s’installe chez l’institutrice dont il prend la cuisine de l’EM, lui offre de prendre pension avec lui en partageant les dépenses à raison de 1 part pour elle et une 1/2 pour chaque enfant. C’est très gentil.

Jeudi 22 Octobre 1914

A 13 H Revue du Colonel.  » Vous êtes des numéros « , dit-il,  » Moi, je suis un numéro ! … » Oh oui   …

Vendredi 23 Octobre 1914

J’installe une panoplie au dessus du lit du Capitaine, elle a un succès…

Samedi 24 Octobre 1914

Revue d’armes à 13 H par le Capitaine ROULAND. Les aéroplanes Allemands lâchent des bombes à quelques kilomètres en face de nous. Je prends un bon tub dans un baquet installé dans une petite remise . C’est rare en campagne.

Dimanche 25 Octobre 1914

Visite du Général MARCHAND. On nous annonce notre prochain départ. Après midi , visite d’adieux à ST GILLES avec le Capitaine. J’ai perdu la confiance de Mme BACART, ce que je me fous. A FISMES, nous rencontrons TOUZET et quelques autres qui nous offrent un morceau de tarte. Le pauvre LAVOISIER part à ST GILLES espérant en manger aussi.

Lundi 26 Octobre 1914

RAS

Mardi 27 Octobre 1914

5H30 ordre de ravitailler le 32ème. Départ 6 H pour CHERY CHARTREUVE ( pres de Braine ) Le 32ème est installé dans un bois assez difficile d’accès. Un autre groupe derrière le mur d’un château où sont les officiers. Rentré à 14 H à PERLES.

Mercredi 28 Octobre 1914

 On devait embarquer ce soir à 23 H 40 – Contre ordre.

Jeudi 29 Octobre 1914

 RAS

Vendredi 30 Octobre 1914

Dernière promenade à ST GILLES.

Samedi 31 Octobre 1914

Départ à 9 H de PERTES. Déjeuner à FISMES à midi avec Mlle MARGUERITE à l’Hôtel de la Gare, salle réservée par d’autres.

Tout le monde embarque

  • 14 H42 départ ( FISMES),
  • 21 H LA PLAINE ST DENIS,
  • 24 H CREIL,

DIRECTION Front BELGE Battaille d’YPRES

Dimanche 1er Novembre 1914

= > Direction la Belgique

  • 7 H ABBEVILLE,
  • 8H30 NOYELLES, les dames nous offre du café au lait, nous apercevons la mer,
  • ­ST VALERY                   
  • 13 H CALAIS,
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